Traversée de Madère d'est en ouest
Nous ne sommes pas pressés ce matin et nous nous levons une nouvelle fois à 7h30. Peu après, un bus de ville nous hisse sur les hauteurs de Funchal jusqu'à la ville de Monte. 18 minutes pour passer du niveau de la mer à 550m pour un prix si modique que prendre le téléphérique s'avère être un sacré attrape-touristes. Devant nous, l'agglomération s'étale sur tous les flancs des montagnes environnantes et pique une tête dans l'Atlantique.
Monte est un centre d'intérêt à trois titres : son jardin "royal" à la statuaire asiatique que nous ne visiterons pas, le départ d'un circuit de traineaux en osier et son église. L'histoire de cette dernière est liée à la dynastie des Habsbourg et à son ultime descendant : Charles Ier qui termine sa vie en exil dans cette localité. La fameuse Sissi serait également passée par cet endroit. A l'intérieur, l'église affiche un autel de style baroque et un plafond peint en bois.
Tandis que nous prenons des photos sur son parvis, un cliquetis régulier attire mon attention. Je me rapproche d'une balustrade et comprends alors de ce dont il s'agit : une vente au noir d'un pistolet que le potentiel client teste à vide. Bonjour l'ambiance !
Nous prenons à présent le chemin du jardin botanique, curiosité qui nous motive le plus pour cette dernière journée. Pour le rejoindre, une ultime levada qui serpente à flanc de montagne et plus d'1h30 de marche. Alors que l'agglomération est à portée de main, nous sommes à nouveau immergés en pleine nature et isolés des bruits de la civilisation. Une pause que je sais apprécier à sa juste valeur. Nous finissons par retrouver le bitume. Une ultime rampe descend vers notre but, si raide que nos genoux crient grâce et qu'un escalier est aménagé sur les bords de la voie.
Nous voilà parvenus à l'entrée du jardin botanique. Un bâtiment présente une vaste collection d'animaux naturalisés, de végétaux séchés ou de fossiles originaires de Madère. A sa sortie, place à la nature ! La dénivellation du terrain est totalement mise à profit pour créer différents écosystèmes : végétaux des cimes, des zones humides, tapis floraux, cactées et plantes grasses, herbes médicinales ... Les panonceaux donnant le nom des espèces sont une invitation au voyage car, en peu de pas, nous passons de la Chine à l'Afrique du Sud ou de l'Egypte au Mexique. Un concentré du monde dans un océan de couleurs, une cohabitation entre l'ordre et l'exubérance. Nous finissons la visite par une volière où sont présentés paons, cacatoès, perroquets et perruches, prisonniers malheureux dans un univers par ailleurs enchanteur. Ce jardin est décidemment un lieu de tous les contrastes.
La sortie de cette bulle est inévitable. Les esprits papillonnent encore un peu mais la réalité urbaine va finir par reprendre le dessus. Pour ralentir cet atterrissage, nous trouvons refuge dans le Mercado dos Lavradores pour une petite visite. Sur les murs des azulejos, ces carrelages typiques souvent bleus qui ornent les façades portugaises. Ici, ils décrivent un marché en ébullition où se trouvent des produits des plus variés : fruits et légumes, viande, poisson, artisanat et fleurs. Autour de nous, ces tableaux d'un temps pas si éloigné reprennent vie au travers de l'agitation autour des étals. Le déjeuner approchant, nous nous joignons aux locaux pour y préparer notre assiette avant d'aller jusqu'à la marina pour déguster les denrées tout juste acquises. J'y ajoute pour ma part une spécialité du cru : le bolo de caco, une sorte de panini au chorizo et fromage.
Nous entamons la seconde partie de la journée en déambulant dans un centre relativement dénué d'intérêt. Il comprend le palais d'un simili Gouverneur, une cathédrale dont l'intérieur s'avère inaccessible et plus ou moins 50 000 restaurants. Au sol, des pavés décorés de quelques représentations traditionnelles comme les traineaux en osier de ce matin. Nous filons sans demander notre reste vers un fort sur le littoral. Même de ce côté, celui-ci est en pleine modernisation. Aussi arrivons-nous à l'édifice défensif sans avoir eu une vue intéressante sur l'océan. Au pied des murs, un hangar en bois abritant quelques frêles navires de pêche et des locaux étalés au sol comme s'ils étaient à la plage alors que rien ne s'y prête.
La visite se termine sur cette vision et c'est tant mieux car je suis pris d'une envie de fuir. Le jardin était incontournable, le marché agréable mais le reste est une perte de temps. Nous repassons par l'hôtel récupérer nos sacs que l'aubergiste a gentiment gardé toute la journée puis nous embarquons pour Machico. 50 minutes de voyage qui nous permettent d'avoir couvert le littoral sud de bout en bout. A l'arrivée, nous retrouvons notre hôtel du premier jour. La boucle est bouclée.
Cependant c'est encore l'après-midi et s'arrêter là, c'est se condamner à attendre la montée dans l'avion en quelque sorte. Il est toujours possible de s'occuper mais pas suffisamment pour empêcher mon esprit de rebalayer tous les bons moments et de se dire que ça y est, c'est la fin. C'est pourquoi je prolonge la sortie pour les courses par une dernière balade joignant l'utile à l'agréable. L'utile, c'est s'assurer de l'horaire de bus de demain matin car un samedi, il en passe un par heure en début de journée. L'agréable, ce sont ces quelques pas sur un littoral enfin libre, avec vue sur la pointe de São Lourenço qui est si belle et une balade jusqu'à une mini-église au sommet d'une digue. Il est temps de rentrer pour finir le voyage avec ma coéquipière. Il est 17h. Les heures passent, nous écrivons, jouons puis mangeons. Nous pouvons ensuite démarrer la soirée par quelques parties de Cluedo. Comme à deux elles sont très rapides, nous nous arrêtons pour feuilleter des classeurs de voyage et comparer les offres des compagnies locales à notre itinéraire. Ce faisant, nous glanons également des enseignements intéressants sur l'histoire de l'île, sa culture ... Nous terminons la soirée sur une conclusion évidente : notre parcours était nettement mieux même si bien plus exigeant. Et un conseil revient systématiquement quel que soit l’agence locale : partez en groupe. J’adhère tout à fait car partir seul dans les montagnes en cas de conditions météo difficiles est risqué. Toutefois qui de ce côté-là aurait pu tomber mieux que moi ? Personne assurément ! Rires, motivation à toute épreuve et rythme similaire, je ne voudrais certainement pas d’une autre coéquipière.